STICS est un outil robuste et polyvalent qui a été développé depuis la fin des années 90 par des scientifiques de plusieurs instituts de recherche, à destination des chercheurs, enseignants et professionnels du secteur agricole. Il permet d’améliorer notre compréhension du fonctionnement des agroécosystèmes et d’accompagner la transition agroécologique face aux enjeux climatiques, environnementaux et sociétaux.
STICS est un modèle utilisé en agriculture pour simuler et comprendre les processus impliqués dans le fonctionnement du sol et des cultures. C'est un modèle déterministe (pour un même jeu de données d’entrée, il produit toujours le même résultat), mécaniste (basé sur des processus physiques et biologiques) et dynamique, fonctionnant au pas de temps journalier.
Le modèle STICS et ses formalismes sont entièrement décrits dans un ouvrage dédié (Beaudouin et al 2023). Nous invitons les lecteurs à consulter le livre (disponible gratuitement aux formats ebook et pdf) pour plus de détails.
Que peut simuler STICS ?
STICS permet de simuler les bilans d’énergie, d’eau, de carbone et d’azote tout au long du cycle cultural. Le modèle est capable de représenter le fonctionnement des cultures annuelles (blé, maïs, soja, etc.), des cultures associées bispécifiques (blé-pois, etc.), des cultures pérennes (prairie, vigne, miscanthus, etc.), des cultures intermédiaires (moutarde, avoine, etc.), mais aussi des périodes de sol nu. Une simulation avec STICS correspond à une unité spatiale homogène (sol, climat, pratiques). Au niveau temporel, STICS peut simuler un cycle cultural (du semis à la récolte) ou une succession de cultures sur plusieurs années.
En entrée, le modèle a besoin de données relatives aux caractéristiques du sol exploré par le système racinaire (par exemple, l’épaisseur des différents horizons, leur masse volumique et leur humidité au point de flétrissement permanent et à la capacité au champ) ainsi que de variables climatiques journalières caractérisant l’état de l’atmosphère au voisinage du système (voir section domaine de validité). Le modèle permet de simuler l’effet des pratiques agricoles sur le système, ce qui nécessite de lui fournir des informations relatives au travail du sol, aux opérations de semis (date, profondeur et densité de semis), aux apports de produits organiques, à la fertilisation minérale (dates, doses et types d’engrais), à l’irrigation, ou encore à la gestion du feuillage (pour les plantes pérennes). L’état initial du système doit également être décrit, comme les teneurs en eau et en azote minéral dans le sol, ou l’état initial de la plante le cas échéant. Enfin, il est indispensable de renseigner les caractéristiques de l’espèce cultivée, voire de la variété, afin de prendre en compte l’écophysiologie propre à la culture considérée (par exemple sa phénologie ou ses besoins en azote). Le modèle permet ainsi de simuler la croissance d’une plante, celle-ci pouvant être limitée par des stress d’intensité et de longueur variables, dérivés des bilans hydriques et azotés. Les jeux de paramètres nécessaires sont fournis avec le modèle pour un grand nombre d’espèces et de variétés.
Les sorties de STICS reflètent les objectifs pour lesquels il a été construit. Le modèle permet à ses utilisateurs de simuler l'évolution d'une large gamme de variables agronomiques (phénologie, croissance en biomasse, élaboration du rendement, qualité, stress, etc.) et des sorties propres à fournir un bilan environnemental (balance hydrique, stocks de carbone et d’azote organique du sol, quantité de nitrates lixiviés, émissions de N2O, etc. ). Les variables d'intérêt sont simulées à un pas de temps journalier, sur l’entièreté du profil de sol et sur l'ensemble du cycle végétal, voire sur plusieurs cycles.
Philosophie derrière le développement du modèle
Depuis le début de son développement, STICS a été conçu pour répondre à quatre critères principaux :
- L'équilibre entre la complexité et la description des processus impliqués dans le continuum sol-plante-atmosphère. Cet équilibre vise à proposer un modèle qui peut être appliqué dans une grande variété de contextes agricoles.
- La généricité des algorithmes utilisés pour décrire le fonctionnement de la plante à l'aide de concepts écophysiologiques non spécifiques permettant d’avoir un modèle unique capable de simuler la croissance d'une grande diversité de plantes.
- La robustesse des algorithmes et du paramétrage pour fournir des résultats réalistes dans une large gamme de conditions agroenvironnementales.
- La simplicité des données d'entrée requises pour faire fonctionner le modèle ainsi que des paramètres du modèle facilement accessibles (et si possible directement mesurables) avec une faible sensibilité aux changements d'échelle.
La conception d'un modèle dynamique et fonctionnel avec une forte orientation agro-environnementale a conduit à l'émergence d'une cinquième qualité : l'évolutivité. Celle-ci est illustrée par le développement de nouveaux formalismes au fil du temps pour simuler des systèmes de cultures pérennes ou de cultures associées. Cette évolutivité s'est également traduite par l'utilisation du modèle à différentes échelles spatiales, de l'échelle de la parcelle à l'échelle macrorégionale.
Domaine de validité
En utilisant une description 1D de l'agrosystème(2D pour certaines cultures en rangs et pour les cultures associées), STICS simule les processus à l’œuvre dans le système sol-plante, comprenant le couvert végétal, le microclimat environnant et le sol (notamment la partie de sol colonisée par les racines).
La limite supérieure du système simulé est délimitée par la basse couche de l'atmosphère (2 m de hauteur), où les variables météorologiques standards sont caractérisées (rayonnement, températures minimales et maximales, précipitations, évapotranspiration de référence et, éventuellement, vent et humidité). Les données climatiques ont une fonction de forçage et sont appelées des variables de pilotage.
La limite inférieure du système simulé correspond à l'interface sol/sous-sol où l'eau et les nutriments deviennent inaccessibles pour le système racinaire des cultures. Les propriétés du sol sont définies au niveau de l’horizon pédologique, mais la plupart des processus liés au sol sont simulés à l’échelle centimétrique (couches élémentaires).
Fonctionnement du modèle
STICS est structuré en "modules" informatiques, chaque module correspondant à un ensemble de processus (développement phénologique, croissance foliaire, interception du rayonnement et photosynthèse, élaboration du rendement et de la qualité, croissance racinaire, bilan hydrique, transformations de l'azote du sol, microclimat, transferts de chaleur, d'eau et de nitrates).
En termes fonctionnels, STICS se structure autour d'un schéma dynamique au pas de temps journalier de croissance du couvert végétal reposant sur le fonctionnement carboné des plantes : le rayonnement intercepté par l'appareil photosynthétiquement actif, caractérisé par l'indice foliaire, est transformé en biomasse répartie dans les différents organes. Cette répartition des assimilats repose sur des équilibres sources puits.
Le module de développement pilote la croissance des plantes cultivées en organisant tout au long du cycle l'ouverture et la fermeture des puits ainsi que leur force. Il agit également sur les sources en contrôlant la mise en place de l'appareil photosynthétiquement actif et en actionnant les remobilisations vers les organes de stockage.
Le modèle simule les bilans d'eau et d'azote dans le sol, afin d'évaluer leur disponibilité pour les plantes et les pertes potentielles dans l'environnement. Leurs descriptions sont basées sur l'approche classique en compartiment, qui définit les différents réservoirs du système, leur évolution et leurs relations. Les fonctions englobent les processus physiques, physico-chimiques et biologiques, permettant de simuler les transferts dans le sol et les prélèvements par la plante, mais aussi les transformations entre les pools organiques et minéraux.
A partir des bilans hydriques, azotés et carbonés, des stress trophiques (eau et azote) d’intensité et de longueur variables sont simulés. D'autres stress abiotiques, tels que les stress thermiques (gel ou températures élevées) ou d'engorgement du sol en eau peuvent également être pris en compte. Les fonctions de réponse aux contraintes environnementales peuvent également intégrer des activités enzymatiques, telles que l'absorption de nitrate. Ces stress sont considérées dans STICS comme des contraintes au fonctionnement potentiel du couvert, ralentissant ou stoppant le développement des plantes cultivées et/ou l’élaboration du rendement. Des travaux ont également permis de prendre en compte certains stress biotiques (maladies fongiques) par le couplage de STICS avec le modèle MILA (Caubel et al., 2014).
Genèse et développement du modèle
Le modèle STICS a été développé au milieu des années 90 par un groupe d'agronomes et de pédologues de l'INRA provenant de diverses unités de recherche en France. Cet acronyme signifie « Simulateur multidisciplinaire pour les Cultures Standard ». Derrière STICS se cache une véritable success story, basée sur un projet collectif qui doit beaucoup à la première coordinatrice de l'« aventure » STICS, la regrettée Nadine Brisson. Le modèle STICS est né du projet ECOSPACE - « hétérogénéité des milieux cultivés », financé par l'INRA, qui a été l'occasion de combiner les expertises de trois anciens départements de l'INRA : Bioclimatologie, Agronomie et Sciences du sol. A cette époque, il existait déjà des modèles agronomiques disponibles au niveau international avec des orientations différentes : modèles écophysiologiques de production photosynthétique (e.g. SUCROS), modèles biogéochimiques (e.g. PASTIS, CENTURY), et modèles sol-culture plus généralistes (e.g. CERES, EPIC, APSIM, CROPSYS). Alors que certains de ces modèles étaient en cours d'adaptation au contexte français, un groupe de chercheurs français a cherché à fusionner les connaissances les plus récentes en matière de sciences des cultures et des sols pour créer un nouveau modèle d'agro-écosystème : STICS.
La première version de STICS résulte de la fusion de trois modèles dynamiques, à savoir GOA - un modèle de croissance des plantes (Ruget et al., 1993), BYM - un modèle de bilan hydrique du sol (Brisson et al., 1992), et LIXIM - un modèle dédié à la simulation des transferts d'eau et d'azote dans le sol (Mary et al., 1999).
STICS a été initialement appliqué pour simuler la croissance des cultures de blé et de maïs (Brisson et al., 1998, Brisson et al., 2002). Le modèle a ensuite évolué, poussé par de nouvelles questions très diverses : estimation du potentiel de production régional ; besoins en eau et en azote des cultures ; effet des pratiques agricoles sur la lixiviation des nitrates ; agriculture de précision, y compris l'assimilation de données de télédétection ; suivi de la production fourragère française et prévisions de projections ; impacts du changement climatique et adaptation ; et valeur ajoutée des cultures de couverture. Ces dernières années, les thèmes couverts par le modèle se sont élargis pour inclure l'évaluation des systèmes de culture agroécologiques, des cultures intercalaires, des cultures pérennes, des cultures bioénergétiques, des émissions de gaz à effet de serre (N2O) et de la séquestration à long terme du carbone dans le sol.
Très tôt, l'idée s'est imposée que STICS ne devait pas devenir un modèle fixe, mais plutôt une plateforme de modélisation interactive. Depuis lors, STICS a toujours été développé en collaboration, à l'intersection des préoccupations scientifiques et pratiques. La genèse et la première évolution du modèle ont été rendues possibles grâce au leadership exceptionnel de Nadine Brisson et à sa capacité à établir des collaborations avec des chercheurs de compétences et d'affiliations diverses, ainsi qu'avec des experts techniques. Après le décès de Nadine, l'équipe du projet STICS (SPT) a pris en charge la maintenance et le développement du modèle.
Évolution future et maintenance du modèle
En termes d’évolutions futures du modèle, deux entités assurent des fonctions complémentaires :
- Le groupe des utilisateurs de STICS, réuni en séminaire bisannuel, est le lieu d’évaluation ultime de la version standard et d’expression des besoins en termes d’évolution du modèle. Il soumet ses propositions aux membres pour l’Equipe Projet Stics. Il est devenu depuis 2014 un réseau scientifique du Département AgroEcoSystem d‘INRAE.
- L'Equipe Projet Stics assure la gouvernance du réseau STICS, ordonne les priorités et assure les développements du modèle.
La gestion administrative du modèle est assuré par l’Unité de Service AgroClim au Centre INRAE PACA (Avignon).